Anne Laure Lavilliers

Publish date: 2024-03-02

Anne Laure Lavilliers – Avec une bonne demi-heure de retard, son manager tente de l’embarrasser dans l’élégant bistrot surannée proche de la Maison de la Radio où nous avons donné rendez-vous. « Mon erreur. Bernard aime beaucoup la ponctualité », n’est-ce pas Et Lavilliers, avec un regard clair, presque outré, sur les non-croyants : “Je suis une montre parlante, et je déteste absolument devoir attendre.

Le consensus général est que son album est génial. Et son regard flou, comme un port familier éclairé par l’enthousiasme retrouvé d’un enfant : “Alors tu aimes beaucoup, hein ? Cela me rend extrêmement heureux.” Le chanteur admet que depuis l’enregistrement de son dernier album, il n’a pas écouté ses morceaux ni regardé les instantanés en forme de T qui documentent ses progrès. Et déjà le musicien marin nomade repère de nouveaux horizons pour élargir ses horizons musicaux.

On peut toujours prendre du recul lorsqu’on discute avec Bernard Lavilliers, le Corto Maltese de la chanson française. Car “ceux qu’il a fait, ceux qu’il imagine” se lancent tous dans un voyage dans chacun de ses albums.

Before, au préalable Sous un soleil de plomb, c’est l’expérience bien réelle de laisser derrière soi tout ce qui lui était familier et de recommencer à Buenos Aires, la seule capitale latino-américaine qu’il n’ait jamais visitée. Il gardait le souvenir de ce voyage près de son cœur, rangé dans sa sacoche d’aventurier comme une promesse ou un rêve d’avenir.

À travers les œuvres de quelques auteurs – Borges au premier rang – une poignée de films – dont El Secreto de sus ojos (Juan José Campanella, 2009, ndlr) – des pots-de-vin de poésie, des éclats de tango et d’autres impressions de ce genre, il avait vu bien la ville. Mais rien ne pouvait être plus haut que le sol.

Pendant trois mois en 2019, il vit seul dans les ruelles de cette ville aux accents européens, ce “port à l’envers”, ce “dos à mer”. Il passe ses nuits dans ses bars, restaurants et clubs préférés où il peut entendre la musique “racine” des Amérindiens Mapuche, les doléances de ses porteos et les chants des marins.

Il côtoie artistes et peintres, pratique le tango dans les milongas, mange du bœuf « gonflé aux stérodes » malgré la réputation louche du plat, et s’interroge sans cesse, inquiet, sur la dictature militaire dans ce pays « Il faut apprendre à pardonner.

Bernard, 75 ans, forge son curriculum vitae dans cet inconnu avec sa curiosité naturelle encore intacte. « Avant la sortie de cet album, j’avais déjà décidé qu’il était temps pour moi de partir. C’est l’air que je respire. les contes d’autres villes Que je me perde pour retrouver mon chemin dans un pays où je ne connais personne et où personne ne me connaît.

Je n’ai pas invité ma femme jusqu’à ce que j’aie une raison suffisante pour le faire “S’il vous plaît, dites-m’en plus, ta ta. Celui qui prétend qu’il n’est jamais plus chez lui que “dans les trains, les avions, les bateaux”, voit dans le voyage une belle évasion réparatrice : “Chaque voyage est une occasion de se rencontrer. Ses termes initiaux sont reformulés sur une page blanche. Les balanciers ont été remis à l’heure exacte.”

Trois chansons, pleines de saveurs et de chair, savamment orchestrées, sont sorties de Lavilliers, paradis du chanteur-reporter argentin : « Le piéton de Buneos Aires », « Les Porteos » et « Noir Tango ». Pour autant, il ne perd jamais de vue son pays d’adoption, le Brésil, lors de ses voyages. Et avec ça, il ramène le légendaire samba-funk de Seu Jorge, Tive Razo.

Anne Laure Lavilliers

Pas une traduction, mais une réinvention fidèle du titre original. Pour que Bernard fonctionne, il doit fournir ses propres interprétations uniques de la musique du monde entier. C’est là que réside sa force : puiser dans l’arc-en-ciel de la musique tropicale et l’assimiler, en toute révérence, à sa chanson française.

Depuis ses débuts, Lavilliers porte une attention particulière aux climats politiques des lieux qui lui sont chers, du Chili à La Réunion, ainsi qu’aux rythmes des musiques qui y sont jouées, apprenant à danser sur tout, de la samba à la chaloupe de maloya. .

Cette fois, il braque son stéthoscope personnel sur sa ville natale de Saint-Etienne, lieu d’où part son voyage, en collusion avec le duo Terrenoire, « ces mômes de 25 ans » qui « crachent leur poème ».

La chanson qui en résulte, Je tiens d’elle, est sincère et belle; c’est une conversation entre deux générations dans laquelle ils partagent leur musique, leurs racines et leur départ de la ville de leurs ancêtres à travers les mots qui définissent leur expérience de migrant. Comme dans toutes les villes sidérurgiques, les métropoles du charbon et les centres textiles… Je comprends complètement maintenant.”

Et c’est peut-être pour cela que la vieille batteuse continue de chanter ses chants politiques et de tenir ses engagements politiques même quand le mot lui semble un peu imposture. Dans sa chanson « Beautiful Days », il se moque de « Macron et ses petits marquis » avec une allégresse sardonique. Dylan rejoint le mouvement Black Lives Matter dans la chanson subtilement traduite “Davy Moore” de Graeme Allwright.

Dans le livre “Corruption”, il expose sa propre malhonnêteté. Anarchiste Libertaire “Même si je suis un chanteur célèbre, je dirais plutôt que je suis un perpétuel outsider. Isolé par mon quotidien, mon cercle social et mon œil critique…” Un déplacement latéral qui touche forcément sa cible.

Plus que sur les albums précédents, la position de Lavilliers sur celui-ci est entre isolement et foule. Maintenant, pour la première fois, il s’ouvre sur sa vie personnelle. Dans “Je tiens d’elle”, il se souvient de la fois où sa mère lui a offert sa première guitare.

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